Menacé par l'EI, Twitter est également critiqué par les gouvernements pour ses actions jugées éparses et inefficaces. « [Leur] approche actuelle tend à mettre l'accent sur les comptes plus visibles et plus actifs, selon nos analyses, observent J.M. Berger et Jonathan Morgan, auteurs d'une étude massive sur le profil des partisans de l'Etat islamique sur le réseau social. Twitter pourrait choisir d'envisager le problème de manière proactive en cherchant à démanteler le réseau plutôt qu'en faisant feu quand des têtes dépassent. »
« Sur le terrorisme, c'est une question difficile. Nous recevons beaucoup de pressions, de tous les côtés. Nous recevons des lettres du Congrès pour lutter contre le terrorisme, et l'Etat islamique nous menace de mort parce nous censurons » résumait M. Zimmerman lors d'une table ronde au festival South by Southwest. Laissant l'EI se redéployer sous une organisation ad hoc, plus isolée, mais plus difficile à combattre.
La censure, mais aussi la traque menée par les services de sécurité de plusieurs pays contre les propriétaires de comptes relayant la propagande de l'organisation (à l'image de l'arrestation de Shami Witness en Inde) ont cela dit obligé les activistes dirigeant la communication de l'organisation à basculer dans une forme de clandestinité en ligne.
Un compte central discret et protégé
Concrètement, même si l'EI cherche à maintenir plusieurs de ses comptes les plus visibles possibles (au prix de parties de cache-cache avec Twitter), plusieurs de ses comptes officiels, dont ceux qui déclenchent ses campagnes de propagande en ligne, adoptent des profils et avatars anonymes (l'œuf de Twitter, un combattant anonyme, une rose, un visage juvénile…) et protègent désormais leurs messages.
A l'image de l'appel à « noyer » l'Occident de tweets divulgué à la mi-mars après l'attentat-suicide de l'Australien Jake Bilardi. La consigne avait été diffusée par un compte central, dit « officiel de l'organisation ». Première particularité : c'est un compte aux tweets protégés – fermé –, auquel n'ont accès que 600 abonnés, sous réserve de l'accord du titulaire du compte. Seconde particularité : son avatar (l'image associée à son compte) ne renvoie pas à un visuel habituel de l'organisation (l'emblème du califat, de l'une de ses branches géographiques ou « agences médias »), mais au visage anonyme d'un combattant : un compte parmi des dizaines de milliers d'autres, plus difficile à repérer par Twitter.
Se contentant sciemment d'un nombre d'abonnés limité pour rester sous les radars de Twitter, ces nouveaux comptes ont tissé entre eux une toile d'arraignée par le biais d'abonnements croisés. Ce faisant, ils élargissent le spectre des informations qu'ils diffusent : le compte de telle « wilaya » (province) en Irak retweetant les contenus de son homologue libyenne par exemple, ou indifférement des textes destinés à contrer « théologiquement » les propagandistes d'Al-Qaida en ligne, des vidéos des autres agences d'information de l'EI...
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