Énée, sur la haute poupe, bien décidé à partir, dormait : tous les préparatifs avaient été exécutés de point ce en point. Dans son sommeil l’image du dieu revenu sous les mêmes traits s’est offerte à ses yeux et semble l’avertir encore. C’était bien Mercure : il avait sa voix, son teint, ses cheveux blonds, la beauté de la jeunesse : « Fils d’une déesse, peux-tu donc dormir sous de si grands risques ? Ne vois-tu pas quels dangers vont enfin se dresser autour de toi ? Insensé, n’entends-tu pas le souffle favorable des Zéphyrs ? Cette femme, décidée à mourir, médite des ruses et un crime abominable, et son âme bouillonne dans des remous de colère. Pourquoi ne prends-tu pas la fuite en toute hâte pendant que tu peux encore te hâter ? Tu verras d’ici peu la mer écumer sous les navires et briller des torches cruelles et tout le rivage en feu, si l’Aurore te retrouve attardé sur ces rives. Va, pars, plus de délai ! La femme est toujours chose variable et changeante. » À ces mots il s’est confondu avec les ténèbres de la nuit.